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Tournage du film hommage au peintre Boris Daniloff


Le tournage pour le film d’exposition en hommage à Boris Daniloff commence dans la canicule du mois de juillet 2019.


Mes premiers souvenirs de Boris Daniloff remontant à l'été 2013 sont ceux d’un homme portant une belle moustache, qui, tous les matins, place Pie à Avignon, me tendait son tract en me demandant d’un ton bourru si j’aimais la peinture et que, si c’était le cas, il m’invitait rue de la Grande monnaie, pour découvrir son travail… J'y suis allée par curiosité.


Dans l’atelier j’ai découvert une peinture d’une force rare qui vous empoigne et ne vous lâche pas. Des toiles aux visages d’hommes qui racontent, dénoncent avec humour, cynisme, lucidité l’injustice de notre monde. À ce moment-là, je tournais un film sur l’atmosphère des rues d’Avignon, je filmais les gens qui habitent par leur présence l’espace publique et Boris les peignait et leur rendait hommage par peinture. Alors j’ai filmé Boris tractant parmi les festivaliers tentant de les ramener dans l’atelier pour y rencontrer le visage de la rue, celui des gens d’Avignon. Je me souviens de l’émotion de Boris pendant notre interview, sa colère face aux injustices et à la grande violence du monde. Je voyais dans son regard, celui d’un enfant qui pleure de voir que la société idéale dont il rêve n’existe pas.

La peinture est un exutoire, l’expression de sa souffrance et de son dégoût des travers du monde.


Yves Schleiss peu de temps après sa disparition en juillet 2015 écrivait :


« Tout observateur constatera aisément que l’Œuvre accompli brûle au feu d’une idée simple : toute violence, toute injustice, toute violation des principes « d’Égalité » faites à l’Homme et aux peuples sont insupportables.


C’est donc à sa manière, selon ses propres formes, que Boris Daniloff aura illustré cette idée et livré son combat. Une lutte exprimant sa révolte, son rejet des dictatures de tous poils, morales, religieuses, politiques autant qu’économiques, son intolérance à un monde que l’on construit contre l’Homme et au nom de valeurs ou d’intérêts que les maîtres de la planète considèrent comme supérieurs. Une bataille pour dire, avec ses pinceaux et les grandes bâches qu’il couvrait de ses couleurs et de grandes figures, qu’il n’y a pas lieu de se résigner aux réalités et de considérer comme inévitables les victimes collatérales qu’elles font, ailleurs, ici, jusque dans nos rues.

Et c’est sans doute aussi cette autre démarche entreprise – être présent auprès des « errants » catégorisés « sans domicile fixe » – qui l’inscrit aujourd’hui totalement dans un panthéon artistique urbain et... avignonnais.


Depuis l’âge romantique il est aisé à tout artiste qui le souhaite de se dire « engagé ». Dans les différents domaines de l’art, réalistes, naturalistes, surréalistes, antifascistes, l’ont tous été. Mais de nos jours, les grandes causes paraissant être définitivement perdues, c’est trop fréquemment au confort intellectuel et à la quête d’alibi que l’artiste contemporain doit ce vocable lorsqu’il le revendique.


A ce titre autant que du fait de sa personnalité, Boris Daniloff aurait réfuté le qualificatif. Et c’est donc bien « malgré lui » qu’il aura renoué avec la tradition de « l’Art comme arme politique » ; qu’il se révèle être « cet artiste engagé », dans le prolongement naturel de ce qu’il exprimait dans ses grandes toiles aux allures allégoriques, en s’investissant généreusement auprès du GEM et de CASA, faisant de lui une sorte de mémorialiste d’une « Fraternité » mise à mal, restituant l’image de ceux que l’on ne regarde pas et que l’on refuse même de voir. Ces visages, l’artiste est allé les chercher là où ils se trouvaient, dans cette ville et dans ces rues qu’il connaissait si bien. Ces visages, ces silhouettes, il les a fixés d’une manière parfois dérangeante, toujours sensible, certainement définitive tant il est vrai que le sujet même est difficile et peu porteur. Physiquement, il les a fait surgir, il s’est plongé en eux pour représenter toutes les nuances qu’il pouvait en saisir. Il y a donc bien « les principes » et « le réel ». Boris Daniloff traitait des uns tout en restituant l’autre et c’est sans doute cela, cette double orientation d’une démarche unique, qui aura eu pour effet de transformer son travail en un ensemble attachant, digne d’attention et éminemment respectable.

Et puis il y a la forme, le style, la technique...

Loin de certaines tendances de « l’art contemporain » Boris Daniloff exécutait avec modestie ce qu’il savait faire, ce qu’il avait appris à exprimer seul face à la toile. Il avait pris le parti de figurer une réalité humaine et de brocarder avec une férocité joyeuse certains mythes contemporains. Tout, dans ses peintures, s’avère reconnaissable, interprétable, que l’on adhère ou non au contenu proposé. Une forme d’efficacité sous-tend ainsi l’Œuvre dans son ensemble, efficacité fonctionnant un peu à la manière d’un manifeste sans cesse renouvelé ou de tracts militants sortis d’une imprimerie clandestine et destinés à être jetés à la face d’un monde dont il aurait souhaité voir les fondements vaciller sinon disparaître. C’était là sa chère « Liberté » : faire selon ce qu’il était, ce qu’il ressentait, sans chercher à plaire ou à séduire, dans un style qui provoquait au mieux la curiosité au pire l’ignorance ou le mépris.

A l’instar de tout artiste investi dans une démarche créative, Boris Daniloff n’échappera aucunement à classification, catégorisation, comparaison, filiation. On ne doit pas le déplorer, nul n’étant « vierge » au pays des Arts, mais ces liens avec d’autres, ces filiations à établir ne pourront que le grandir, le faire connaître et lui donner la stature d’un artiste, témoin, engagé...



Voir aussi Sous le pont d'Avignon : http://www.souslepontdavignon.com/index.php/le-film/





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