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BILAN CARNASSE

ils sont en morceaux ils ont perdu leur langue dans la citadelle
ils sont parisiens, coréens, brésiliens, italiens, parisiens, parisiens
ils sont nombreux
ils sont venus célébrer la terre entière, la représenter selon ses coutures et ses ruts ils viennent couvrir, recouvrir, recouvrer leur visage, leur vrai visage

ils ne savent plus à quoi ils ressemblent ils le crient on ne les entend pas
ils sourient sur les murs
ils tombent

se relèvent
ils continuent à sourire
ils se multiplient
ils sont nombreux
ils sont une banderolle qui vacille et trouve son rythme entre les colonnades et les moi moche j'ai mes chances
ils farandolent, fanfaronnent, babylonnent, déboulonnent, déballonnent, s'écroulent
quelque part entre le Off du IN, le IN du OUT, et l'IFF dans le OUF
sommes-nous arrivés au bout de nos limites ?

ils sont la société ils ont toutes nos maladies en simultané
ils ont envoyé balader les reflets des miroirs mal déformants
ils attendent qu'on vienne les chercher, qu'on les applaudisse
ils ont les cornes bien taillées et même elles repoussent
cornes de bouc émissaire
on les a jetés là dans l'arène
on veut les voir se battre
pas de barricade pour sauter par-dessus et s'échapper s'enfuir au-dehors du rempart qui les retient dans son étau, son écrin de tous les ans, là où le soleil est le plus haut, le plus brillant
ils vont jouer le jeu
endurer la durée
maquiller les masques
des vendeurs de créneaux
de fatigue et d'usure
des 8000 euros de frais de location
des affres de la jauge
sourire
toujours sourire
tout va bien ok ça va faut se détendre y a pas mort d'homme
vendre la climatisation
l'intelligence
la légèreté
le « ça ne prend pas et ça ne dure pas longtemps »
l'innovation
le jamais vu
l'incontournable
l'anévrisme de leurs artères malades
et ça se rebouchera un soir au bistrot
elle attend de pouvoir inhaler
elle attend qu'on lui souffle dessus
cendre dans le vent
elle danse, brûle, se consume,
sur la scène des boulevards du crime
des pantomimes et des estocades

et puis lentement elle incline la tête
et entre ses deux os elles laisse passer l'entière
ô plume ô fumier gras lent exode du granit
lézards sur la place des corps saints à l'hygiène exemplaire la fête est finie, les gorges ont fini par exploser
sur la pierre brûlante
et les corps déchirés ont terminé de s'effondrer
ils se confondent avec les tas des éboueurs
poubelles vivantes nées du granit fou
fourre-tout démantelé dans l'heure
Dernier sursaut d'un cœur chamade
Dernier arc-en-ciel de l'adrénaline
avant de s'en remettre à la fortune
de dire ciaô à la candidature du monde
il peut retourner à la capitale
la citadelle lui a déjà tourné le dos
a élu ses représentants pour l'année prochaine
a fait tomber ses prétendants
a rincé ses plus offrants
Avignon capitale du cannibalisme sauvage ?
qui a arraché le trophée ?
Qui sera mangé demain ?

Pierre-Louis Gallo 

Avignon 2016

Photo : Louis Malecek

Ce lien QR code a été créé dans le cadre d'une performance tournée à l'été 2018 pour le projet documentaire actuellement intitulé OFF, en écriture depuis l'été 2016 sur les afficheurs du festival d'Avignon.

En collaboration avec l'auteur arpenteur Pierre-Louis Gallo et le photographe Louis Malecek.

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